Celles que l’on croirait tout droit sorties du jardin n’existait donc pas il y a quarante, trente ou dix ans... D’ailleurs, sans une sélection féroce, il n’y aurait peut-être plus de culture fraisière en France. Car au lendemain de la seconde guerre mondiale, les variétés françaises traditionnelles sont en piteux état. Affectées par la virose, cultivées pendant des années sur les mêmes sols, elles sont d’une faible productivité. Dès la fin des années cinquante, les chercheurs sont chargés de sélectionner de nouvelles variétés plus résistantes aux maladies, plus productives, mais qui conservent néanmoins une qualité gustative. Pas simple, car rien n’est plus fragile que le goût dans lequel interviennent de nombreux arômes. Et plus le fruit est parfumé, plus la frontière est fragile entre maturité et surmaturité. Sans oublier une foule de facteurs qui jouent sur la saveur, selon l’époque de production, les conditions climatiques, l’évolution du fruit après cueillette, ou l’insuffisance de l’apport d’eau. Autant de points qui furent analysés. Arrivent les années 80. A l’époque, en France, les premières fraises de la saison ne peuvent guère rivaliser avec les variétés précoces d’Italie et d’Espagne. Leur prix s’effondre. Seule la qualité gustative pouvait faire la différence. C’est tout l’enjeu de Gariguette, précoce elle aussi, et savoureuse dès le début de la récolte. Seul problème : de taille plus petite que les autres, elle est difficile à ramasser et à rentabiliser, d’autant que ses rendements sont moyens. Résultat : autour d’Avignon, les premiers cultivateurs auxquels elle sera proposée feront la moue. Peu importe, d’autres vont raisonner différemment : les fraiséristes du Lot-et-Garonne, qui estimèrent, que le consommateur était prêts à payer un peu plus cher un produit de qualité. Et c’est effectivement ce qui se passera, campagne publicitaire à l’appui, menée par le groupement « Fraise de France ». Dès lors, la Gariguette devient la variété précoce la plus cultivée dans l’hexagone.
Le saviez-vous ? Quand chacun ramenait sa fraise...
Tous les fraisiers actuellement cultivés appartiennent à une espèce récente, apparue au 18ème siècle et dont les ancêtres sont américains. Avant, régnait la fraise des bois, toujours répandue à l’état sauvage et dont les premières cultures ont été menées à des fins médicinales. Pour ses fruits, il faudra en fait attendre le 14ème siècle, dans un écrin royal : 2 000 pieds sont alors plantés dans les jardins du Louvre. Deux siècles plus tard, une autre espèce de fraisier sauvage, d’origine inconnue, supplante la fraise des bois en Allemagne et en Belgique, pour leur calibre plus gros et leur parfum. Mais entre-temps, survient la découverte de l’Amérique et de ses fraises d’une grosseur jusque-là inégalée. L’importation ne tarde guère : des fraisiers canadiens, ramenés semble-t-il par Jacques Cartier à la fin du 16ème siècle, sont implantés en France, suivis par d’autres en provenance de Virginie ou du Chili, notamment dans les bagages d’un dénommé... Frézier ! De ces deux espèces naîtra un hybride, le premier fraisier moderne, appelé « fraisier ananas ». Aujourd’hui, les principales variétés cultivées en France restent peu nombreuses, au nombre d’une vingtaine. Variétées Protégés une Mission Agrobiosciences...!