Un jeune garçon qui se prénommait Alan et vivait dans la plaine du Poher non loin de Carhaix. Alan profitait de l'absence de ses parents pour leur faire une surprise et nettoyer la maison familiale de fond en combles.
Il avait gardé le meilleur pour la fin, à savoir la cheminée. Il aimait les odeurs qu’elle dégageait, des odeurs de plusieurs arbres de la région, du feu froid et des cendres. Mais il venait de sentir également une autre odeur qu’il n’arrivait pas à identifier. Intrigué, il regarda autour de lui, tout en finissant de remplir le seau à cendres qu’il laisserait ensuite au milieu du jardin. Le vent ferait alors le reste. Quand il reviendrait le seau serait vide. La cendre se serait envolée aux alentours, pour participer au printemps et fertiliser les sols.
Alors qu'il terminait, il remarqua dans un coin de l'âtre, à l'abri sous un morceau de bois trop humide pour avoir brûlé, une châtaigne épargnée par les flammes. Une fois qu'il l' eut essuyée, elle fut aussi brillante que si il venait juste de la ramasser.
Il sourit, la mit dans le seau de cendres puis alla se coucher, heureux du travail accompli et réjoui par avance de la surprise agréable qu'il ferait à ses parents lorsqu'ils verraient la maison propre et rangée à leur retour le lendemain.
C'est vrai qu'ils furent surpris, mais Alan aussi.
Lorsqu'il ouvrit sa fenêtre le lendemain pour voir le soleil, il découvrit que sa maison était maintenant dans les branches d'un châtaignier géant qui avait poussé pendant la nuit. Tout en bas, ses parents lui faisaient de grands signes et lui criaient des choses qu'il n'entendait pas à cause de la hauteur.
Alan sortit dans les branches et commença à descendre. Ce faisant, il toucha le tronc du châtaignier. L’arbre vibrait légèrement. Alan laissa sa main sur l’écorce de l’arbre et celui-ci se mit à vibrer un peu plus rapidement. Une note très grave commença à résonner dans l’air limpide de cette journée d’été. Une note plus basse encore que le La le plus grave d’un piano. Alan leva les yeux. Le feuillage bruissait malgré l’absence de vent.
Il dut se rendre à l'évidence, l'arbre chantait.
Le garçon termina sa descente et avoua à ses parents qu'il ne comprenait pas ce qui avait bien pu se passer. Ce n'est que lorsqu'il vit au pied de l'arbre, des morceaux du seau incrustés dans l'écorce qu'il comprit que c'était la châtaigne qu'il avait mis dans le seau de cendres qui était à l'origine de cet arbre gigantesque.
Un visage apparut alors sur l'énorme tronc et lui sourit. Comme Alan et ses parents restaient bouche bée, le visage d'écorce parla :
– Vous devriez fermer la bouche ou vous allez gober des mouches.
– Mais qui êtes-vous ? demanda Alan.
– Ben un châtaignier. Tu n'as pas l'air très doué en botanique toi dis-donc !
– Je ne comprends pas, répondit Alan piqué au vif. Vous êtes la châtaigne que j'ai trouvée dans la cheminée et que j'ai mis dans le seau hier soir ?
– Tout à fait !
– Mais comment est-ce possible ? Comment avez-vous pu pousser si vite ?
– C'est très simple, j'étais tellement contente d'avoir échappé aux flammes de la cheminée que lorsque tu m'as mise dans le seau, j'ai décidé de pousser le plus vite et le plus fort possible pour ne pas finir en marron chaud. Et voilà !
– Voilà, voilà, c'est vite dit. Vous avez arraché notre maison du sol et elle est coincée dans vos branches, dit le père.
– Bah de quoi vous plaignez-vous ? répondit le visage d'écorce. La mode n'est-elle pas aux cabanes dans les arbres ? Je vous ai rendu service.
– Vous plaisantez ! dit la mère. Elle est tellement haute que c'est devenu dangereux de rentrer chez nous. Il faudrait être un professionnel de l'escalade.
– Qu'à cela ne tienne, dit l'arbre qui entremêla ses branches pour former un joli escalier en bois avec une rambarde depuis le sol jusqu'à la maison. Cela vous convient-il maintenant ?
Alan et ses parents durent bien convenir que c'était plus pratique ainsi. Ils auraient désormais la chance de vivre dans la cabane arboricole la plus haute de la région. Et depuis ce jour, tous les soirs, ils s'endorment bercés par les oiseaux qui chantent pour leurs propres petits dans leurs nids sur les branches voisines de la leur.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit à toutes et tous !