Un soir, ketty ne voulait pas dormir, trop excité de voir sa famille s’affairer à décorer toute la maison pour le réveillon, alors Maman est venue la voir.
— Maman, je voudrais tellement qu’il neige pour Noël.
— Tu sais, la météo, ce n’est pas simple et puis ici en Bretagne, nous sommes près de la mer et il ne fait pas souvent assez froid pour la neige.
— Mais j’aimerais tellement !
— Et bien, la nuit de Noël est magique alors on ne sait jamais…Maintenant je vais te lire une histoire pour t’aider à t’endormir.
La mère d'ketty ouvrit le grand livre de Noël celui des contes et des légendes, qu’elle aimait tant et, une fois encore, la recette fit miracle. Dans son lit, la tétine à la bouche, blotti tout contre sa mère, l’enfant se laissa bercer par sa voix. Il glissa peu à peu dans le merveilleux pays du sommeil, sans même s’en apercevoir.
Sa maman posa alors le livre sur la table de chevet, éteignit la lumière et, après avoir déposé un dernier baiser sur le front d'ketty , referma doucement la porte de la chambre derrière elle.
Un grand silence prit dès lors possession de la chambre. C’est à peine si l’on entendait la respiration légère de la petite fille allongé dans son lit.
Mais ce fut de courte durée car, vers minuit, c’est ce moment-là que choisit le grand livre pour s’animer ! Il s’ouvrit, déplia lentement ses pages une à une, puis s’étira avec nonchalance. Aussitôt, treize teuz malicieux et un chien noir s’en échappèrent. Les teuz se firent la courte échelle pour descendre en pouffant de rire, tandis que le chien noir sauta directement sur le tapis au pied du lit et s’assit !
Constatant qu’ils étaient trop bas, les teuz râlèrent puis se disputèrent en chuchotant, s’accusant mutuellement de ne pas avoir assez réfléchi avant de descendre du livre.
Finalement, après s’être donnés mutuellement quelques coups sur la tête, ils entreprirent l’ascension du lit et s’assirent en tailleur, près de l’oreiller, tandis que le chien restait assis dans son coin préférant le confort moelleux du tapis au pied du lit.
Tous observèrent la petite ketty, pendant quelques instants. Comme cette dernière dormait toujours, un des teuz se mit à sauter sur son ventre.
— Réveille-toi, réveille-toi ketty : C’est bientôt Noël!
Ketty se réveilla et les contempla avec étonnement. Elle se frotta d’abord les yeux pour être sûr de ne pas rêver. Mais il fallut bien se rendre à l’évidence, les teuz étaient toujours là devant elle.
Celui qui semblait le plus bavard parmi eux et qui lui avait sauté sur le ventre, prit la parole
— Et bien ? Tu ne nous reconnais pas ?…Nous sommes les teuz de ton livre ! Nous venons de Tir-Na-Nog, le pays des fées et nous exauçons les vœux des enfants sages. Les chenapans n’ont droit qu’à une branche d’ajoncs dans leurs chaussures et on espère qu’ils se feront caresser les fesses avec.
Le chien s’approcha à son tour. Ketty, pas très rassurée devant ce gros molosse plein de poils, remonta sa couette jusqu’aux yeux pour se protéger. À sa grande surprise, l’animal aussi lui adressa la parole :
— Moi je suis là pour les enfants qui ne sont vraiment pas sages : ceux qui se battent à plusieurs contre un seul, volent des choses qui ne leur appartiennent pas, ou sont méchants avec leurs parents qui les aiment.
— Mais tu parles ?
— Comme tous les animaux pendant la nuit de Noël ketty. Je sais que tu es une enfant sage, toi. Mais tu pourras prévenir ceux qui sont comme je l’ai dit que, s’ils ne changent pas d’attitude, je vais venir les chercher et les emmener au Yeun Ellez.
— Pour aller où ?
— Il vaut mieux que tu ne le saches pas, crois-moi. C’est un endroit horrible.
— C’est obligé que tu les emmènes ?
— C’est la coutume, ici en Bretagne, pour Noël.
Puis le chien bondit dans le grand livre et disparut !
— ketty, nous avons fait ce long voyage depuis chez nous pour exaucer un de tes vœux, alors réfléchis bien car comme je viens de te le dire, tu ne peux en demander qu’un seul. Que veux-tu ? Des bonbons ? De l’argent ? Des jeux vidéo ? La neige pour Noël ? Nous t’avons entendu tout à l’heure, lui dit le teuz avec un clin d’œil complice.
Ketty réfléchit un court instant puis sourit.
— Je ne souhaite qu’une chose : que tous ceux que j’aime bien soient heureux pour l’année qui vient. Je sais que s’ils le sont, moi aussi je le serais. Tant pis pour la neige !
Les teuz dansèrent de joie. Une pluie d’étoiles délicates et multicolores descendit du plafond et recouvrit le lit, le sol et les jouets de la chambre. La pièce fut illuminée par de minuscules gouttelettes irisées et changeantes. À la vue de cette merveille, ketty battit des mains de bonheur. Puis, mystérieusement, tout disparut : les lutins et l’étrange averse… La petite fille dormait de nouveau paisiblement, sous la couette, dans le silence de la nuit.
Au matin, Maman le réveilla avec une joyeuse impatience:
— ketty, viens vite voir! Et, joignant le geste à la parole, elle ouvrit la fenêtre et elle poussa les persiennes… L’enfant vit alors un jardin magnifique. Durant toute la nuit, la neige était tombée et, à présent, recouvrait toits et arbres. Elle tapissait le moindre recoin de son village d’une lumineuse blancheur immaculée.
Ketty se sentait bien, extraordinairement bien. Elle comprenait que les teuz avaient réalisé son vœu et qu’elle l’avait gratifié d’un petit bonus parce qu’elle avait pensée aux autres avant de penser à elle-même. L’année qui s’annonçait allait être merveilleuse.