huitres plates |
27/08/2021
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Il y a longtemps, alors que je me promenais vers Plougastel-Daoulas, mes pas m'entraînèrent au bout de la presqu'île et je tombais par hasard sur un éleveur d'huîtres plates. Sa réputation l'avait précédé et je connaissais déjà son nom sans précisément savoir qu'il se trouvait là. L'homme se montra aimable et me fit visiter son parc au fond de la rade de Brest.
La journée tirait à sa fin et je le vis prendre une petite corbeille en osier au fond de son bateau, y déposer un morceau de lard et poser le tout sur l'eau. Je lui demandai si ce rituel était lié à son succès. La question n'était visiblement pas à poser car l'homme se renfrogna. Je ne voulus pas insister mais quand, au hasard d'une nouvelle conversation, je mentionnais ma qualité de président de la maison des contes et légendes de Cornouaille, il se détendit et revint de lui-même à la question qui semblait l'avoir gêné quelques temps auparavant. – Mon succès est un secret que j'accepte de vous révéler car il m’apparaît désormais que vous êtes apte à l'entendre. Si je suis si heureux avec mon élevage d'huîtres, c'est grâce au poulpiquet des huîtres. J'ouvrais de grands yeux étonnés. Il poursuivit. – Je vous vois circonspect, mais c'est vrai. Je l'ai rencontré ici alors que je n'étais pas encore installé et que je cherchais l'endroit adéquat. Un vieux bonhomme d'un mètre de hauteur qui tournait et retournait dans ses mains une huître qu'il venait de sortir de la mer.
" Est-ce que vous cherchez des perles ? lui demandai-je. – Non, répondit-il ; je compare cette espèce, ou plutôt cette variété, à toutes celles que je connais déjà.
– Ah ! vraiment ? vous êtes amateur ? – Il s'agit là d'un doux euphémisme me concernant, mais j'accepte le qualificatif donc oui, monsieur ; et vous ?
– Moi ? A vrai dire je cherche un endroit pour y développer un élevage.
– Bravo ! me répondit-il, nous pourrons nous entendre. Je me mets absolument à votre service....
si vous parvenez à me battre !
Alors brusquement il entra en fureur, et, reculant d'un pas, il saisit un gros marteau d'acier, apparu comme par magie, qu'il brandit d'une main convulsive. Je saisis à temps le bras du gnome et lui arrachai son arme ; mais il s'élança sur moi et s'y attacha comme un poulpe. Cette étreinte d'un affreux bossu me causa une telle répugnance, que je me sentis pris de nausées et le menaçai de lui briser l'échine s'il ne me lâchait pas.
Je ne sais trop alors ce qui se passa. Le gnome était d'une force surhumaine ; je me suis retrouvé étendu par terre, et, alors, ne me connaissant plus, je ramassai un pieu apporté par les eaux, puis me mis à sa poursuite. Je le vis ramper dans la vase et chercher à me saisir les jambes. Un coup vigoureusement appliqué sur l'échine lui fit jeter un cri si étrange, et il devint petit, si petit, que le vis entrer dans une énorme coquille qui bâillait à mes pieds sur le rivage. – C'est bon je crois que ça ira comme ça !
entendis-je de la coquille. Je suis désormais à votre service jusqu'à la fin de vos jours si vous décidez de vous installer ici pour y élever des huîtres. "
Et c'est ainsi que tout a commencé. Mes huîtres sont maintenant connues dans le monde entier. Je n'ai jamais revu le poulpiquet des huîtres mais je reconnais régulièrement des signes de sa présence discrète. Alors chaque soir avant d'aller dormir, je viens sur mon élevage et laisse une petite corbeille sur la mer dans laquelle je dépose quelque chose à son intention. C'est ma façon à moi de le remercier.
Quand vous vous réveillerez
hier ira de l'avant
et demain sera aujourd'hui
d'ici-là bonne nuit les ami-e-es !