Il était une fois une petite fille très fatiguée. Très fatiguée, parce que je ne sais pas si vous le savez, mais se trouver toujours coincée entre deux tristesses est épuisant. Vous allez me demander: "Mais comment est-ce possible?" Je vais tenter non pas de vous le dire, mais de vous le faire entendre. Aussi peut-être faudra-t-il me lire deux fois... pour justement entendre. D'un côté, il y avait un père. Un père un peu particulier dans le sens où il éprouvait le besoin de mentir, càd de cacher la réalité. Un réalité qu'il montrait, à sa fille, en lui révélant qu'il avait un enfant ailleurs, avec une autre femme, tout en lui demandant de surtout, surtout, ne pas en parler à sa mère, qui était son épouse. En lui imposant de garder le silence, il faisait une violence très grande à sa fille, qui avait ainsi l'impression de collaborer à la trahison de sa mère. En même temps, elle avait le sentiment qu'elle devait aider son père, d'une certaine façon le prendre en charge, prendre soin de lui. Il arrive à certains enfants de se parentifier, de passer à côté de leur propre enfance, de traverser leur adolescence et même leur vie d'adulte en se consacrant avec dévouement à l'un ou l'autre de leurs parents. De l'autre côté, il y avait une mère. Une mère qui s'interdisait beaucoup de choses, qui restait prise dans la dépendance à sa propre famille, en s'obligeant à veiller sur celle-ci, une mère qui comprenait tout le monde, son mari, ses enfants et qui en oubliait de vivre sa propre existence. On voyait sur son visage une tristesse très ancienne. Comme elle ne s'en occupait pas, elle la transportait avec elle et même l'imposait à tout son entourage. Comment voulez-vous que sa fille puisse prendre le risque d'être heureuse, en ayant ce tableau de tristesse sous les yeux?
Je ne sais comment cette jeune fille dépassera cette situation, si elle osera remettre, à chacun de ses parents, la responsabilité de leur propre vie. Si elle trouvera, par ex, deux perles de couleur, l'une représentant la vie de son père, l'autre, d'une couleur différente, symbolisant la vie de sa mère, et de joindre au paquet de chacun les petits mots d'accompagnement suivants: "Maman, par mon geste je te restitue, avec cet objet la responsabilité de ta propre vie, je ne veux plus continuer à la porter en moi, c'est trop lourd, trop chargé d'angoisses." "Papa, je te redonne, par cet objet, la responsabilité de ta propre vie, je ne peux continuer à la porter pour toi..." Car peut-être, vous qui me lisez, ne savez-vous pas qu'il existe un âge où les enfants doivent accepter de laisser grandir leurs parents. Mais comme vous ne vous en laissez pas conter, que vous ne perdez pas le nord, vous allez quand même me demander: "Mais quel est le rapport de tout ça avec la tristesse?" C'est très simple: quand on reçoit de la violence, qu'elle soit verbale, physique ou morale comme c'est le cas ici, on engrange beaucoup de colère. Comme celle-ci est dirigée vers des personnes aimées, tels papa ou maman (ou un conjoint), elle est alors refoulée. Elle est souvent retournée contre soi et se transforme en tristesse. Quand la tristesse est épaisse, grise, collante à la peau, c'est le + souvent de la colère transformée, parce que impossible à exprimer. Cette tristesse qui n'a jamais pu se dire occupe ainsi parfois tout l'espace intérieur d'un enfant ou d'un ex-enfant.
source J. Salomé
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